En Wallonie, les propriétaires de panneaux photovoltaïques bénéficient de meilleures conditions que leurs homologues flamands.
En Wallonie, les propriétaires de panneaux photovoltaïques bénéficient de meilleures conditions que leurs homologues flamands.
En Belgique, l’énergie est une compétence qui relève en partie des régions, avec pour conséquence que les régimes en vigueur à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre ne sont pas nécessairement les mêmes.
C’est le cas du photovoltaïque. A l’heure actuelle, les Flamands qui ont fait le choix d’installer des panneaux sur leur toit doivent être équipés d’un compteur digital qui débouche sur un système de facturation moins intéressant pour l’utilisateur que le «compteur qui tourne à l’envers». Cette bonne vieille mécanique est par contre toujours utilisée en Wallonie, du moins pour les «prosumers» qui ont adopté le photovoltaïque avant le 31 décembre 2023. Ce régime dérogatoire leur est accordé jusqu’en 2030.
L’impact sur le portefeuille est immédiat : l’investissement en panneaux photovoltaïques est plus vite amorti avec le compteur qui tourne à l’envers. Les Wallons sont donc gagnants.
Cette inégalité bien connue a pris subitement le chemin du Conseil d’État. La ministre flamande de l’Energie, Zuhal Demir (NV-A), a déposé le 4 mars dernier un recours en annulation devant la haute juridiction contre l’arrêté du gouvernement wallon pris en décembre dernier, lequel a mis fin au principe de la compensation – le «compteur qui tourne à l’envers» – pour les nouveaux propriétaires de panneaux photovoltaïques à partir du 1er janvier de cette année, tout en le prolongeant pour ceux qui les ont installés avant le 31 décembre 2023.
Zuhal Demir ne voit pas pourquoi la Cour constitutionnelle a refusé à la Flandre le même avantage en 2021. «Les Wallons ne me remercieront pas, mais la Constitution s’applique à tous. La crédibilité de la politique passe par la garantie de la justice», s’est-elle justifiée.
Il faut ajouter au crédit de la ministre flamande que le compteur qui tourne à l’envers est interdit dans l’UE.
C’est précisément lorsque cette interdiction a été prononcée que la Flandre comme la Wallonie ont adapté leur législation et ont prévu des régimes transitoires visant à conforter dans leur choix et leurs finances ceux qui avaient investi dans le photovoltaïque. Ces régimes devaient durer quinze ans en Flandre et sept ans en Wallonie. Mais un recours introduit notamment par le fédéral devant la Cour constitutionnelle a amené cette dernière à estimer que la région flamande avait outrepassé ses compétences en matière de fixation des tarifs et de la fiscalité. La Flandre a donc supprimé son régime transitoire pour basculer sur des primes rétroactives destinées à compenser en partie le manque à gagner de ses prosumers.
Aujourd’hui, la ministre flamande de l’Énergie se demande pourquoi ses administrés devraient payer plus de TVA que les Wallons, sachant que cette taxe va forcément de pair avec la quantité d’électricité facturée. La TVA perçue est fatalement moindre en Wallonie car elle porte sur la quantité nette d’électricité (les plus et les moins) prélevée sur le réseau telle qu’affichée par le compteur qui tourne à l’envers. Celle-ci est bien souvent égale à zéro puisque les panneaux produisent plus d’électricité que n’en consomme un ménage. Ce qui ne fait pas l’affaire des caisses publiques. «Il en résulte un transfert de taxe au détriment de la Flandre», selon le cabinet Demir.
La question est toutefois de savoir pourquoi la ministre flamande sort maintenant du bois, alors que la décision de la Cour constitutionnelle qui lui a été défavorable date de 2021. Ce n’est en effet que lorsque l’arrêté wallon qui «finalise» la nouvelle réglementation est paru au Moniteur le 14 décembre dernier qu’elle s’est souvenue de ce dossier.
Les juristes estiment que la démarche de la Flandre a peu de chance d’aboutir, notamment parce que 80 jours se sont écoulés entre la parution au Moniteur et le recours de Zuhal Demir. Le délai maximal est de 60 jours. Dans les colonnes du Soir, un expert estime en outre que «même si le Conseil d’État devait annuler (les décisions précédentes), il n’y aurait pas à vrai dire de conséquences pratiques». Quant au gouvernement wallon, il se dit stupéfait face à ce croc-en-jambe de la Flandre.
La décision de la ministre Demir de lancer un recours devant le Conseil d’État n’est pas de nature à faire de la publicité à son parti, la N-VA nationaliste flamande de Bart De Wever.
Rappelons que, pour la première fois, la N-VA a décidé de déposer des listes partout en Wallonie en vue des élections du 9 juin prochain. Or, l’attachement des Wallons à leurs panneaux photovoltaïques et à l’avantage qu’ils peuvent en retirer est viscéral. Les écologistes qui ont eu à traiter ce dossier à l’époque où la charge financière du système était devenue incontrôlable l’ont payé cher dans les urnes. «Zuhal Demir aurait bien été inspirée de se renseigner avant de se lancer dans cette bagarre», relève un observateur.